Face au silence...

4 Octobre 2013

Face au silence (Cioran)En arriver à ne plus apprécier que le silence, c’est réaliser l’expression essentielle du fait de vivre en marge de la vie. Chez les grands solitaires et les fondateurs de religions, l’éloge du silence a des racines plus profondes qu’on ne l’imagine. Il faut pour cela que la présence des hommes vous ait exaspéré, que la complexité des problèmes vous ait dégoûté au point que vous ne vous intéressiez plus qu’au silence et à ses cris.La lassitude porte à un amour illimité du silence, car elle prive les mots de leur signification pour en faire des sonorités vides; les concepts se diluent, la puissance des expressions s’atténue, toute parole dite ou entendue repousse, stérile. Tout ce qui part vers l’extérieur, ou qui en vient, reste un murmure monocorde et lointain, incapable d’éveiller l’intérêt ou la curiosité. Il vous semble alors inutile de donner votre avis, de prendre position ou d’impressionner quiconque; les bruits auxquels vous avez renoncé s’ajoutent au tourment de votre âme. Au moment de la solution suprême, après avoir déployé une énergie folle à résoudre tous les problèmes, et affronté le vertige des cimes, vous trouvez dans le silence la seule réalité, l’unique forme d’expression.(E. Cioran. Sur les cimes du désespoir 1934)

Quoi dire? Rien peut-être? Et pourtant! Dans le regard, ce long silence ressemble à un cri. Une vibration qui résonne de cœur à cœur...Toute transformation intérieure s'opère dans le silence discret de l'intime. La Parole émet un écho qu'on entend un jour comme une évidence. Notre cœur parle mieux que notre langue et sans mots toxiques. Sa perception directe des choses lui donne autant de force que de fragilité. Chris.

Laisse parler ton coeur, interroge les visages, n'écoute pas les langues.

Umberto Eco